Les communautés de filles en plein air ont la cote!

Les Vieilles Po, Les Chèvres de montagne, les Pink Water, les Poules qui roulent, Fillactive, Montagnes au féminin… les communautés de femmes en plein air ont la cote ici et ailleurs, et le nombre de participantes monte en flèche depuis quelques années. Qu’est-ce que la gent féminine va chercher dans ces groupes? Comment expliquer l’engouement grandissant? Tour d’horizon d’un mouvement 100 % femme.

Lorie Ouellet, professeure en intervention plein air à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), persiste et signe : les communautés féminines en plein air sont nécessaires.

Dans le cadre de sa thèse portant sur les processus entourant la reconnaissance sociale des pairs dans un groupe d’expédition, elle a porté une attention particulière aux différences de genre. Elle a fait le constat que les groupes mixtes produisent et reproduisent des normes de genre d’une structure hiérarchique basée sur une valorisation des attributs masculins. Ainsi, dans un contexte de mixité, il semble difficile pour les femmes de se développer pleinement.

Elle a remarqué à travers ses recherches et observations sur le terrain plusieurs bénéfices associés aux expériences entre femmes seulement : elles se sentent plus confiantes et occupent des rôles plus actifs.

« Ces communautés donnent l’occasion aux femmes d’expérimenter et de reconnaître leur force et leur autonomie physique et émotionnelle, et leur offrent un sentiment de soutien sans la pression de performance. »

Lorie ajoute qu’en général, les femmes ont des contraintes différentes de celles des hommes, un fait d’ailleurs maintes fois documenté. La barrière financière est encore souvent bien présente et les responsabilités familiales leur offrent moins de temps à consacrer aux loisirs et activités de plein air. La volonté est bel et bien là, mais elles ont de la difficulté à trouver des partenaires de pratique et l’intégration dans des groupes masculins peut représenter un défi.

Joanie Beaumont, enseignante en éducation physique et à la santé et intervenante plein air abonde dans le même sens. Ses recherches pour son mémoire, dans lequel elle s’intéresse aux femmes « leaders » en plein air, lui ont permis de découvrir que les femmes sont souvent reléguées à des tâches comme la préparation des repas en expédition ou l’entretien du campement. De plus, elles font souvent le choix de s’engager dans des tâches plus faciles lorsqu’elles se retrouvent dans un groupe mixte. Pour une femme, démontrer sa force ou sa capacité de réaliser plusieurs tâches physiques ou techniques peut entraîner des difficultés sociales, comme le rejet des pairs.

Joanie Beaumont, crédit : Béa Brailovsky

« Quand j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet, on me posait souvent la question Es-tu féministe? Je suis plutôt humaniste, j’aimerais que l’humain ait accès à tout ce qu’il souhaite peu importe son genre. Il y a malheureusement encore beaucoup de biais internalisés par la société, de stéréotypes de genre. Les groupes de femmes permettent aux participantes de prendre conscience de leurs réelles capacités, de développer leur leadership, de remettre en question les façons de faire, d’adapter certaines techniques, etc. »

Des communautés tissées serrées

Escalade de glace, camping d’hiver, survie en forêt, fatbike, ski hors-piste, vélo de montagne, voile, etc. Été comme hiver, Les Chèvres de montagne proposent, depuis près de six ans, des événements de plein air au sein d’une communauté de filles qui recherchent l’aventure, la témérité, le plaisir et le contact avec la nature.

Sortir de sa zone de confort, sans pression ni chrono, découvrir différents terrains de jeu au Québec, assimiler des techniques et comprendre l’équipement, acquérir de l’assurance, développer un sentiment d’appartenance et un réseau de contacts, voilà ce que les participantes vont chercher auprès des Chèvres!

« On est là pour casser cette barrière souvent présente entre les femmes et les sports considérés comme plus téméraires, souligne Émilie Richard, co-directrice des Chèvres de montagne, une des plus importantes communautés de femmes en plein air au Canada, avec plus de 600 membres. C’est parfois intimidant quand on n’a jamais essayé une activité et qu’on n’a pas de référence. Nous devenons une porte d’entrée, avec un encadrement sécuritaire et nous offrons un accompagnement d’experts dans leur domaine. »

Édith Viens, co-fondatrice du rassemblement féminin de randonnée alpine Les Vieilles Po renchérit. « On prône le dépassement de soi, sans artifices, ni froufrous! On est drivées par cette envie féroce de faire découvrir le potentiel qui dort en chacune de nous, de susciter l’engagement et l’interaction, de repousser nos limites! »

Dans leur court-métrage Elles déplacent les montagnes, elles démontrent qu’ensemble tout est possible, dans l’encouragement et le non-jugement.

« Avec la communauté Montagnes au féminin et mon podcast, j’essaie d’inspirer les filles à penser différemment et de leur offrir de nouvelles perspectives, souligne Amandine Géraud. Je ne crois pas qu’il y ait de véritable argument à ne pas essayer une activité, ou à ne pas se lancer dans un projet un peu fou. J’ai tellement d’exemples de femmes autour de moi qui me prouvent que les barrières que l’on a sont mentales. »

Cette Française d’origine a d’abord été mise en contact avec l’initiative Lead the Climb, qui offre des formations au leadership et à l’autonomie dans les sports de montagne pour les femmes. À son arrivée au Canada, elle a eu envie de développer un réseau de filles qui partagent les mêmes passions.

« Il est clair que les hommes et les femmes ont deux énergies complètement différentes et c’est important de les cultiver, souligne Amandine. L’énergie masculine l’emporte souvent dans un groupe et le côté paternaliste freine certaines femmes. Entre nous, on peut beaucoup s’apprendre, toujours dans la bienveillance, la patience, le partage, le respect de l’autre. »

Les communautés en temps de pandémie

Même si plusieurs de ces communautés ont dû ralentir, voire même annuler, plusieurs sorties et événements, elles poursuivent la sensibilisation et le partage d’information sur les réseaux sociaux. Plusieurs proposent des groupes privés qui permettent aux femmes de communiquer entre elles pour organiser des sorties ponctuelles en petits groupes.

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