Dès que l’hiver tombe sur l’Abitibi-Témiscamingue, on déroule avec empressement près de 4 000 km de sentiers larges comme des autoroutes américaines, sinueux comme une valse à deux temps, doux comme une fourrure de martre, excitants comme une journée ensoleillé qui commence. La neige sèche et farineuse pèse sur les branches des arbres qui font la courbette au passage. Quand un large ciel bleu s’accroche au plafond, la blancheur immaculée de la piste nous aveugle presque en traçant souvent une ligne qui s’étire bien droite entre un corridor de blancs bouleaux ou de pins effilés. Le froid nous pince et nous stimule le sang au petit matin alors que la douceur du temps en après-midi nous réconcilie avec les extrêmes de l’hiver.
L’Abitibi-Témiscamingue est jalouse de ses sentiers qu’on sait parmi les plus beaux du Québec. Pourquoi? Parce que la région a de la place en masse pour les aménager. Un peu aussi parce que son territoire est dénué de grands reliefs, de montagnes, de très grandes rivières et de fortes concentrations urbaines qui compliquent tellement les choses ailleurs. Surtout, parce qu’on peut compter ici sur une armée de bénévoles dévoués et de travailleurs expérimentés, souvent en poste depuis fort longtemps, pour qui l’entretien minutieux du réseau semble être une obsession. Finalement, parce que les gens d’ici sont particulièrement fiers de leur coin et qu’ils veulent que leurs visiteurs à motoneige n’aient que de bons souvenirs et des commentaires flatteurs à ramener.
Une autre découverte
Je ne compte plus les occasions où je suis allé faire de la motoneige en Abitibi-Témiscamingue depuis mon premier passage avec la gang du Raid Harricana en 1990. Il me manquait ce magnifique triangle d’environ 600 km au départ de Val-d’Or jusqu’au Pavillon La Vérendrye, par le sentier 386, puis vers Belleterre par le TQ 63 et retour par le 309. Un triangle qui se trouve en plein centre d’un réseau qu’on peut rejoindre par les Hautes-Laurentides, par l’Outaouais, par l’Ontario ou par le nord. Six-cents kilomètres de magie, de beaux sentiers et de rencontres agréables. Un plongeon dans le meilleur de l’hiver.
Première partie
Ce qu’il y a de particulier dans ce circuit, c’est qu’on peut le diviser en trois sections très différentes par rapport au paysage, à la topographie, au sentier lui-même et, plus globalement, à l’expérience motoneige comme telle.
Au départ de Val-d’Or il faut sortir de la ville, ce qui s’effectue très aisément malgré la toile de pistes tissée autour de la municipalité. Comme les grandes villes du monde ont leur « périphérique », soit l’autoroute qui fait le tour de la ville rapidement et qui permet de distribuer le trafic vers les banlieues, Val-d’Or, tout comme sa consœur Rouyn-Noranda, possède un sentier circulaire « tour de ville » qui dessert tous les quartiers et permet d’accéder aux services localisés en périphérie.
Étape à Kitcisakik
Dès qu’on quitte l’anneau du tour de ville, on s’engage à la première intersection sur un bout de Trans-Québec 3 qui nous conduit jusqu’au sentier régional 386 qui traverse la réserve faunique La Vérendrye. Le paysage typique de l’Abitibi-Témiscamingue se réinstalle rapidement avec ses forêts d’épinettes qui se serrent les unes sur les autres et ses grandes plaines marécageuses ouvertes à tout vent. On se surprend quand même d’apercevoir de très vastes espaces forestiers couverts de feuillus : bouleaux, peupliers faux-trembles et merisiers, qui occupent la place après les coupes.
Il y en a bien pour une soixantaine de kilomètres de la sorte, dont une vingtaine à l’intérieur de la réserve faunique, avant d’arriver aux abords du lac Victoria, dans la communauté autochtone de Kitcisakik dont, honnêtement, je n’avais jamais entendu parler. On dit de cette petite communauté algonquine d’environ 300 membres qu’il s’agit de la seule bande véritablement nomade au Québec.
Dès qu’on franchit la réserve, on tombe sur une véritable autoroute encadrée d’un boisé de bouleaux extrêmement dense. C’est ce sentier rapide et confortable qui nous mène à la jonction du TQ 63, jusqu’au Pavillon La Vérendrye qui se trouve un peu au sud, ce qui nous obligera à revenir un peu sur notre chemin demain.
Retour en conditions différentes
À partir de là, le changement est radical et la piste se rétrécit en plus de devenir extrêmement sinueuse. Du genre à vous faire travailler fort et à solliciter des muscles que vous aviez oubliés, mais qui vous rappelleront leur existence le lendemain. C’est dans ces conditions qu’il faut redoubler de prudence et faire tous les efforts pour serrer la droite et rester vigilent.
Nous avons fait escale au Rest-Ô-Gîte Paquin de Belleterre pour la seconde nuit, un refuge simple et très agréable, puis nous avons poursuivi notre chemin vers Val-d’Or sur une dernière portion de sentier qui représente en tout point un résumé des trois segments précédents.
C’est avec la tête pleine de belles images que nous rentrons à Val-d’Or pour une dernière découverte qui va s’avérer une surprise des plus agréables : l’hôtel Forestel.
Hébergement
On pense souvent qu’à l’exception des régions proches de Montréal et de Québec, on trouve très peu d’hôtels de qualité supérieure accessibles aux motoneigistes dans les régions plus éloignées. Mais le Forestel de Val-d’Or fait définitivement mentir cette idée.
Ce qui impressionne à l’arrivée, c’est vraiment le décor raffiné du hall d’entrée et la pureté de l’architecture. On entre ici dans un grand hôtel où les motoneigistes sont les bienvenus. On leur réserve un vaste stationnement où on peut laisser véhicules et remorques. On leur propose des chambres superbes où l’espace ne manque pas.
Informations
- Tourisme Abitibi-Témiscamingue : tourismeabitibitemiscamingue.org | 1 800 808-0706
- Rest-Ô-Gîte Paquin, Belleterre : restogitepaquin.com | 819 722-2124
- Hôtel Forestel, Val-d’Or : forestel.com | 1 800 567-6599 | accessible par le sentier 83