L’art de s’adapter
Les chevreuils m’ont toujours fasciné et la meilleure histoire naturelle qui soit sur eux provient justement du Québec. En effet, quand Henry Menier a acheté l’île d’Anticosti, il a fait importer des bisons, des wapitis et une panoplie d’espèces, dont le chevreuil. Rapidement, les bisons et les wapitis sont décédés et, plus récemment, les ours noirs ont disparu. Mais des 200 cerfs introduits en 1896 et 1897, on en dénombre aujourd’hui environ 200 000, soit environ 20 cerfs au kilomètre carré.
On comprend donc que cet animal est un modèle d’adaptation. Et quand il s’alimente d’algues comme du varech, alors là je suis impressionné. De fait, le chevreuil est le cervidé nord-américain le mieux distribué géographiquement et il est fort abondant. On en retrouve même en Floride. Au Québec, son aire de répartition s’étend sans cesse si bien que l’on observe des cerfs dorénavant sur la Côte-Nord et en Abitibi. À l’automne 2023, on dénombrait 138 000 chasseurs de chevreuils. Ce sont 55 000 chevreuils qui ont été déjoués par des chasseurs et chasseuses de la province.
Nocturne, vif et rempli de sens de détection
Le chevreuil est vite comme l’éclair face à un prédateur. Il souffle pour identifier un danger. Puis, il court rapidement. Dès l’ouverture de la chasse, plusieurs sujets adultes deviennent nocturnes. Le principe d’évitement des prédateurs est bien intégré chez cette espèce et le tout s’installe à partir des premiers jours.
Ainsi, la biche lèche méticuleusement le pelage de son ou de ses veaux et elle mange la plupart du temps les tissus et les membranes en lien avec la mise bas. Du coup, elle élimine toutes les odeurs que les loups, les ours et les coyotes auraient tôt fait de découvrir. Par la suite, les faons inodores feront preuve de mimétisme afin de passer inaperçus dans l’écosystème. Pour maximiser leur survie, la femelle tiendra les deux faons séparés l’un de l’autre dans l’éventualité qu’un prédateur rode. Le chevreuil jouit d’un excellent odorat et il profite des courants d’air pour renifler les chasseurs. Autrement, il a une excellente vision et ses capacités auditives sont fort surprenantes.
Stratégies de chasse
Le chevreuil est un animal hyper nerveux et il réagit au moindre craquement de branches. La chasse à l’affût dans une cache demeure la stratégie la plus efficace et la plus populaire qui existe, car elle évite de se faire entendre. Souvent, les chasseurs disposeront d’appâts comme des pommes, mais plusieurs chevreuils fréquenteront ces sites seulement durant la nuit. Le fait d’appâter le chevreuil favorise la qualité des tirs, car l’animal est stationnaire, ce qui limite les risques de blesser le cervidé, surtout quand l’engin de chasse utilisé est un arc ou l’arbalète.
Personnellement, j’aime bien m’embusquer à des endroits stratégiques pour attendre des sujets mâles plus âgés et plus volumineux. J’aime bien découvrir des sources de nourriture naturelles comme des pommiers sauvages, des forêts de chênes offrant des glands, dont il est friand, et je découvre aussi leurs passes naturelles. Par ailleurs, j’ai déjoué plusieurs mâles en découvrant leurs grattages. En effet, les mâles grattent le sol afin d’uriner dans ce qu’il est commun d’appeler un grattage. Ce site de grattage devient rapidement populaire auprès des chevreuils et il est scientifiquement reconnu que plusieurs sujets utilisent un même grattage. C’est un peu comme un site « de rencontre » qui est soudainement disponible entre eux et de précieuses odeurs de rut y sont concentrées. La découverte de grattage favorise donc le succès de chasse.
Enfin, la chair du chevreuil est exquise et il s’agit d’une espèce affichant de bonnes populations. La chasse au chevreuil représente un beau défi pour stimuler la relève chez des jeunes ainsi que chez des nouveaux et nouvelles adeptes. La chasse au chevreuil apporte des retombées économiques importantes en région et elle contribue à la régularisation du cheptel qui devient parfois abondant dans certaines régions dites agroforestières.